Une épopée culturelle autour de la Méditerranée

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lundi 7 février 2011

Sur la peinture baroque



 Johannes Vermeer, Dame debout au virginal, 1670.
Les toiles baroques ont ce même pouvoir captatif superbement développé dans le film intimiste des années 2000. Cette réalité que seul un gros plan sur un duvet peut exprimer, presque tactilement, ou encore le grain d’un velours délicatement enduit d’une lumière pâle. Les fibres dorées d’une douce et féminine étoffe, telle une métonymie se reflétant interminablement dans un miroir.  La Dame debout, dont le regard converge avec le point de fuite semble scruter attenivement les contour de la soie de sa robe; il en découle nécessairement que ce sont nous specteteurs que Vermeer a désigné pour remplir ce rôle. La multiplicité des cadres présents sur la toile (au nombre de 3) invite cette interprétation.
Du miroir, la dame semble admirer cette soie flatteuse, un rien d’amertume et de contentement contenus dans un sourire en coin. Car, le baroque est équivoque, et contre l’univocité des Classiques, il dresse le versant de tous les possibles, des paradoxes, et autres langages de l’Inconscient. Du reste, il est considéré aujourd’hui comme le refoulé du premier. Il exprime donc une réalité telle quelle, comme un cliché surprenant la scène de son sujet, dans le vif. Si la conscience n’y était pas auprès des peintres, du moins pas uniformément, l’ambition du baroque était grande. Capter la vie dans le détail, dans toute la profondeur que recèle la surface, et dans tous les pièges que puisse tendre une lumière incongrue. Si les toiles classiques incarnent des scènes de légendes et de divinités helléniques, ou autres scènes de la liturgie chrétienne, le baroque semble raconter une histoire, ou du moins, semble avoir une histoire à raconter. La toile baroque est comme une énigme dynamique, qui incite à aller au-delà du visible. À percer le mystère que camouflent les convenances de la vie ordinaire et des apparences surfaites. Tout changement perspectif amène une atmosphère baroque. Car le baroque est également l’entrée en scène des oubliés et des laissés-pour-compte. Tels ces myriades d’internautes occultes voguant sur un océan de ténèbres. Tous visibles les uns aux autres et tous anonymes. Baroque aussi est l’Internet reflétant les plus profondes vérités que seules la masse des anonymes peut exprimer.

 Johannes Vermeer, La ruelle, 1661.
La ruelle de Vermeer montre l’ambition photographique de l’art baroque. Capter l’instant par surprise, scènes de la vie courantes, ou précurseur avant l’heure ? L’art baroque ne saurait distinguer, il se contente de capturer et de rendre. Car l’urgence est là. Des siècles de peinture n’ont jamais saisis que des mises-en-scène. Le baroque incarne en ce sens un précurseur du romantisme car, il accorde dorénavant un regard critique au peintre conscient dès lors de sa subjectivité. Mais non ! Le baroque est bien le début de la réflexivité dans l’Art occidental. L’œuvre porte dès lors la marque de son auteur, lui-même se prétendant comme un simple vecteur d’une vérité brute, simple mais nécessaire, témoignage urgent de l’éveil d’un époque. Peut-être est-il tout cela, simple et complexe à la fois, profond et anodin, paradoxalement, sans l’avoir jamais revendiqué. Si la peinture baroque porte en elle les germes du réalisme et ceux romantisme, elle n’en avait ni la conscience ni la prétention. Elle s’est imposée comme une nécessité aussi naturellement que l’éveil du coq au lever du jour. 




Juin 2010.