Une épopée culturelle autour de la Méditerranée

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lundi 23 janvier 2012

Star Wars, un Blockbuster galactique!


G. Lucas, mythographe insatiable, a le sens de la communication, comme on pourrait dire de nos jours. Car, le succès commercial de la première trilogie de Star Wars s’explique non seulement par la qualité de la bande sonore, mais aussi par la maîtrise des signes visuels (graphiques et photographiques).  Dès les premières images, le spectateur adopte, bien qu’encore à son insu, la charte graphique d’une longue épopée cinématographique. D’un banal film de science fiction des années 1980 parmis tant, la longueur de l’œuvre la propulse d’emblée au rang de saga intergalactique, d’épopée mythologique futuriste, futuresque allais-je dire, avec force imagination et style, et autoproclamée : Epic space opera!
Il est vrai, l’œuvre regorge de situations tragiques tant le thème œdipien est récurrent; notons tout autant de dilemmes et de conflits internes; en particulier celui-ci : Faire le Bien et rétablir la démocratie dans l’Univers passe nécéssairement par un paricide au sommet du manichéisme lucasien, un manichéisme nuancé et subtil. Réaliste, atemporel, universel.
À mon sens, le succès de l’œuvre s’explique en partie grâce aux aspects qualitatifs que sont :
  • Un scénario universel et atemporel inspiré des tragédies grecques et des grands récits du patrimoine historique mondial;
  • Une bande son inégalable, dont une composition magistrale tout en leitmotivs, et des bruitages récurrents (bruits technologiques que font les robots, les armes laser, vaissaux spaciaux, etc.), créant un habitat sonore auquel se familiarise le spectateur;
  • Un code visuel qui se découpe comme suit :
    • Une charte graphique spécifique,
    • La  forme pyramidale (cultissime) du texte introductif défilant;
    • enfin, la personnalisation, ou plutot dirais-je une circonstancialisation des transitions séquencielles, notamment des fondus stylisés typiques, adaptés au contexte.

Enfin le contenu sémantique n’est pas reste. En premier lieu, ceci est un film qui s’adresse aux jeunes et dans lequel les jeunes triomphent et font rayonner le Bien sur l’univers en combattant le côté sombre (qui reste immotivé à mon sens), autant de thèmes universels volontairement laissés vierges (« ouverts » dirait peut-être U. Eco) comme le terrain fertile de l’imaginaire infantile. D’un autre point de vue, Star Wars transcrit sans doute une idée du rêve américain, notamment : l’idée d’une jeunesse fougueuse (« la Force ») et éclairée (sagesse et chevalerie « Jedi »). Une jeunesse triomphante du vieil ordre et qui refait l’univers à son image, libre et bien : un idéal inspiré de mai 1968, si ce n’est l’omission de toute teneur sexuelle.
Il faut ajouter que Lucas a le don de la formule pour les titres : Star Wars! Auguste, majestueux, ad hoc.
La qualité des effets sonores ancre le spectateur dans un réalisme, certes par nature invisble, mais qui donne toute leur substance à des costumes, des masques et des accessoires parfois douteux, voire frisant le ridicule (les fils électriques de 6P0 sont en fait sz simples peintures sur un t-shirt noir), notamment dans Episode IV, A New Hope.
En revanche, certaines images terrifiantes telles que le Casque de Vador semblant flotter et surplombant le Cosmos, créent une impression horrifiantesde beauté sombre. Par une métaphore amalgamant le noir du cosmos au Côté sombre dans Star Wars, l’univers Vador se réalise à l’écran, sombre, terne et glacial comme l’infinité cosmique couvrant l’arrière-plan.

Le succès s’explique également par l’usage d’éléments de l’epistémè, ou si l’on veut de de la culture et du savoir contemporains. La prise en charge d’un passé récent lourd, tragique : celui de l’Allemagne nazie donc le casque et le totalitarisme de Vador en sont l’embleme archétypal.
Allusions disco (Episode V The Empire Strikes Back) avec le capitaine vétu à la façon disco d’un navire allié des Forces Rebelles (les gentils). Le thème même très vaste de cosmos est dans l’air du temps depuis la conquête de la lune par les Américain en 1969.
Autre thème unversel : Mars et Vénus. Les seules et rares apparitions féminies positives, objets de la quête du héros, sont faites du côté des Forces rebelles

dimanche 31 juillet 2011

Jazz et folie ou l’art de la déconstruction dans le style de Thelonious Monk




Thelonious Monk - Round About Midnight: L'envie irrépressible de pleurer, C'est affreusement beau. A s'en crever les yeux ! Veuillez me pardonner ces métaphores débiles mais c’est ma façon de ressentir l’intensité tragique de cette somptueuse pièce. Car en effet on peut rapprocher le va-et-vient permanent du jeu in/out, d’une navette entre folie et raison souvent créatrice de génie artistique. Les schèmes psychopathologiques n’étant accessibles qu’à ces derniers par exemple. Le drame de la destruction, drame, cet enfermement psychologique, souffrance post-moderne s’il en est, enfer quotidien d’une nouvelle prise de conscience : la sauvagerie de l’Homme n’a jamais baissé, sa barbarie atteint cruellement le degré de son intelligence, si haut soit-il, et les moyens qu’il se donne s’est donné où se donnera pour la réaliser n’ont pas de limite ; en un mot tout n’était qu’utopie et c’est bien la fin, la mort définitive (si, si) des utopies !

Le titre alternatif pour ce texte était : « Jazz et folie ou l’art de la déconstruction dans le style de Thelonious Monk en contre-duo avec Coltrane. » Je souhaite l’inscrire ici comme sorte de sous-titre, si je puis me permettre.

Miles Davis disait dans une entrevue française : « Je joue contre le contretemps du contretemps » à son retour d’une tournée africaine. Il reconnut ensuite avoir été parfois déconcerté par la richesse et la complexité des rythmes africains.

On observe chez Monk un style volontairement décousu, fragmenté tel un bâtiment ruiné par un bombardement frais ; un style mono-tonal, un ton dominant, le gris de l’après-guerre, mais cela n’est guère étonnant, étant donné qu’il s’agit d’un blues en la bémol. Une tonalité issue du registre bas médium si je ne m’abuse, donnant une sonorité relativement grave… mais parsemée ci et là de fragments mélodieux d’une rythmicité qui confine au génie le plus inspiré. Nonobstant, une psychologie qui semble incompatible avec toute notion de rythmique traditionnelle. En revanche, le génie de ses phrasés semble tout droit sorti d’un délire psychiatrique tel le leitmotiv apaisant d’une folie consciente d’elle-même. Il n’a de talent, et pas des moindres, que pour la phraséologie musicale ; ce qui fait essentiellement de lui un poète lyrique, un voyageur nomade surfant comme un cavalier fou volant au sommet des dunes jonglant des articulations rythmiques et modales tel un génie de cette alchimie unique que seuls possèdent les grands romanciers et les jazzmen purs, celle de pouvoir transformer toute matière en diégèse et par-là même en lyrisme, quintessence de l'Art. Ce qui est bien conçu ne se perd jamais car s’il est doté de génie, il est alors doté du génie de transcendance au temps ! Monk avait de son temps vingt ans d’avance, mais une intuition si pure, un si brillant génie dans le chaos, que rien, non rien ne saurait le faire cesser de luire jamais ; ô grand jamais !

L’usage du thème de la carte postale jaunie aux bordures effritées semble consacré au rang topos de la musicalité, de même que l’art de l’intertexte déconstruit semble maîtrisé parfaitement dans ‘Round About Midnight : ici, l'imitation d’un vieux piano automatique désaccordé qui se détraque et ralentit un peu plus à chaque couplet, ce que l’on pourrait qualifier de « déconstruction temporelle » ; là, c'est une machine industrielle qui s’emballe et on assiste alors à une « déconstruction du lexique tonal » par le recours à des thèmes chaplinesques. La magie prend, Monk est un peintre cubiste. Un phrase me vient à la bouche : Monk est bien le plus grand pianiste de Jazz de l’Histoire. Bien que Bill Evans eût son mot à dire. Je crois que tous les hommes qui ont la chance de s’intéresser au jazz ont dû penser cela à un moment donné de leur vie. Ou bien peut-être aurai-je cueilli cette citation dans un film d'Alfred Hitchcock?

Ce sont là tout autant d’indices d’une génération prise entre un air d’après-guerre et une ère post-industrielle, le tout baignant dans un climat de guerre froide en tension croissante. Bref… une ambiance grise et terne et des images de destruction surgissent de nulle-part, des images de honte et de désillusion, en somme, une esthétique de la destruction qui faisait à sa façon également gloire au plus important tableau du vingtième siècle : Guernica de Picasso.




Parmi les musiciens, il est des peintres impressionnistes, des aquarellistes expressionnistes, Monk était quant à lui un indéniable cubiste. Sans doute le plus génial d’entre eux.

lundi 27 juin 2011

Nomadismes et création musicale

Jean-Leon Gerome (1824-1904) Pelt Merchant of Cairo,Oil on canvas, 1869; 50 x 61.5 cm

Le motif thématique (ou clin d’œil, intertexte, citation, etc.) nait en musique au travers des musiques et des cultures nomades. Il me semble naturel de concevoir que l’idée de changement, fut-il dans une phrase musicale, s’accompagne de l’idée de mouvement, et donc de voyages et d’ailleurs.
Les cultures et traditions arabo-islamiques, orales, musicales, poétiques laissaient jadis une grande place à l’improvisation. Que ce soient les conteurs ou les musiciens de rues, les traditions des troubadours débutèrent en France dans les régions méridionales et a fortiori celle du Sud ; ce qui laisse présager à tous le moins une mosaïque culturelle issue
 d’un melange composite : lieu de rencontre entre deux cultures jusqu’alors complétement imperméable l’une à l’autre. Genre : la thèse du choc culturel qui dure un millénaire et demi! Voilà ce que l’on peut appeler un ragôt intellectuel, inconsitant, irrésonné, abscons.
Supposons un instant qu’il n’y ait au contraire jamais eu de choc culturel mais bel et bien une longue période, tragiquement interrompue parfois, d’échanges généreux entre des cultures voisines et, par nécessité, amicales.
Et toutes ces tribus nomades arabes ou berbères, tziganes ou juives, ces trouvères et troubadours, conteurs égarés ou inlassables voyageurs, qui semaient ici ou là un vent d’improvisation, un air d’ailleurs, une fascinante bigrerie mélodique, un conte merveilleux, une histoire incongrue… Et comme partout ailleurs, là encore, les meilleurs choses venaient d’ailleurs.
Un soir nous écoutions tous le conteur maure et ce faisant, pendu à ses de ses lèvres, nous projettions du sens imaginé par nous-même sur la partition du charabia rythmé qu’il nous imposait. Nous comprenions inconsciemment que l'essence du récit demeure dans ses articulations, dans son rythme.
Car le conte est un rythme, le reste est de l’imaginaire. Il n’est un secret pour personne, j’estime, que le conte se prolonge dans le rêve. Tous ceux qui auraient eu la chance d’entendre mon père nous improviser un des merveilleux épisodes des Milles et une nuit eussent tôt fait de comprendre que cette tradition libertaire existe encore de nos jours et explique tout à elle seule.
Certaines* théories modernes sur l’interprétation musicale durant la période classique relativisent la synchronie des instruments dans l'interprétation des œuvres de cette époque.

lundi 7 février 2011

Sur la peinture baroque



 Johannes Vermeer, Dame debout au virginal, 1670.
Les toiles baroques ont ce même pouvoir captatif superbement développé dans le film intimiste des années 2000. Cette réalité que seul un gros plan sur un duvet peut exprimer, presque tactilement, ou encore le grain d’un velours délicatement enduit d’une lumière pâle. Les fibres dorées d’une douce et féminine étoffe, telle une métonymie se reflétant interminablement dans un miroir.  La Dame debout, dont le regard converge avec le point de fuite semble scruter attenivement les contour de la soie de sa robe; il en découle nécessairement que ce sont nous specteteurs que Vermeer a désigné pour remplir ce rôle. La multiplicité des cadres présents sur la toile (au nombre de 3) invite cette interprétation.
Du miroir, la dame semble admirer cette soie flatteuse, un rien d’amertume et de contentement contenus dans un sourire en coin. Car, le baroque est équivoque, et contre l’univocité des Classiques, il dresse le versant de tous les possibles, des paradoxes, et autres langages de l’Inconscient. Du reste, il est considéré aujourd’hui comme le refoulé du premier. Il exprime donc une réalité telle quelle, comme un cliché surprenant la scène de son sujet, dans le vif. Si la conscience n’y était pas auprès des peintres, du moins pas uniformément, l’ambition du baroque était grande. Capter la vie dans le détail, dans toute la profondeur que recèle la surface, et dans tous les pièges que puisse tendre une lumière incongrue. Si les toiles classiques incarnent des scènes de légendes et de divinités helléniques, ou autres scènes de la liturgie chrétienne, le baroque semble raconter une histoire, ou du moins, semble avoir une histoire à raconter. La toile baroque est comme une énigme dynamique, qui incite à aller au-delà du visible. À percer le mystère que camouflent les convenances de la vie ordinaire et des apparences surfaites. Tout changement perspectif amène une atmosphère baroque. Car le baroque est également l’entrée en scène des oubliés et des laissés-pour-compte. Tels ces myriades d’internautes occultes voguant sur un océan de ténèbres. Tous visibles les uns aux autres et tous anonymes. Baroque aussi est l’Internet reflétant les plus profondes vérités que seules la masse des anonymes peut exprimer.

 Johannes Vermeer, La ruelle, 1661.
La ruelle de Vermeer montre l’ambition photographique de l’art baroque. Capter l’instant par surprise, scènes de la vie courantes, ou précurseur avant l’heure ? L’art baroque ne saurait distinguer, il se contente de capturer et de rendre. Car l’urgence est là. Des siècles de peinture n’ont jamais saisis que des mises-en-scène. Le baroque incarne en ce sens un précurseur du romantisme car, il accorde dorénavant un regard critique au peintre conscient dès lors de sa subjectivité. Mais non ! Le baroque est bien le début de la réflexivité dans l’Art occidental. L’œuvre porte dès lors la marque de son auteur, lui-même se prétendant comme un simple vecteur d’une vérité brute, simple mais nécessaire, témoignage urgent de l’éveil d’un époque. Peut-être est-il tout cela, simple et complexe à la fois, profond et anodin, paradoxalement, sans l’avoir jamais revendiqué. Si la peinture baroque porte en elle les germes du réalisme et ceux romantisme, elle n’en avait ni la conscience ni la prétention. Elle s’est imposée comme une nécessité aussi naturellement que l’éveil du coq au lever du jour. 




Juin 2010.